Sous la direction de Jacques Bony, Gabrielle Chamarat-Malandain et Hisashi Mizumo.
Ouvrage publié avec le soutien de l'université Sorbonne Nouvelle Paris 3.
 La célébration du bicentenaire de la naissance de Gérard de Nerval à  Cerisy-la-Salle a permis la découverte ou la redécouverte d'une oeuvre  qui a trouvé son authenticité grâce au travail considérable représenté  par la nouvelle édition de la Pléiade, dirigée par Jean Guillaume et  Claude Pichois. Ce recueil, composé à partir des Actes de ce colloque de  2008, se fonde entièrement sur ce nouvel établissement au travers  d'articles nombreux et variés abordant le texte nervalien sous ses  multiples aspects - poésie, traductions, récit de voyage, essais,  drames, nouvelles - tout en mettant en lumière cette unité étrange dans  la diversité qui la caractérise. C'est pourquoi le terme, au demeurant  bien galvaudé, de «modernité», reprend ici tout son sens. Le texte sur  lequel s'appuient les nombreux articles recueillis dans ce livre, est  rendu à son authenticité, et abordé d'un oeil neuf, tel que le XXIe  siècle peut désormais le lire, l'interpréter, le replacer dans sa propre  histoire, celle du XIXe siècle et de sa postérité. Mal connu ou peu  reconnu en son temps, Nerval a été longtemps considéré comme un écrivain  mineur, un marginal. La rêverie et la folie que certains textes  prennent pour objet ont amené la critique à se complaire dans cette  exaltation de l'imaginaire, sans en voir les limites. Elle passait ainsi  à côté, non seulement de textes essentiels, mais d'un écrivain  «toujours lucide», selon l'expression de Baudelaire. Elle isolait  l'oeuvre de Nerval au lieu de la considérer comme étroitement située  dans l'histoire littéraire et l'histoire de son temps, tout en proposant  une écriture, vers ou prose, qui ouvrait parallèlement sur une poétique  originale. Chaque intervention de ce recueil apporte son lot de  redécouvertes, d'éclaircissements et d'observations précises. Les  articles éclairent le rapport entre Nerval et notre contemporanéité,  cette dernière passant souvent par le dévoilement d'une originalité qui a  parfois déconcerté ses propres contemporains.
Extrait de l'introduction
 
 Ce recueil présente les communications qui ont été prononcées au  colloque du bicentenaire de la naissance de Nerval, en août 2008 à  Cerisy-la-Salle. Le titre général en était la modernité, mot bien  galvaudé au demeurant, de l'oeuvre de Nerval. Le mot très vague avait  néanmoins l'avantage d'être d'une amplitude large. Il permettait de  présenter, à l'intérieur d'un long colloque, un écrivain dont l'approche  devait être complètement reconsidérée après le nouvel établissement du  texte et l'apparat critique que Jean Guillaume, Claude Pichois et leurs  collaborateurs avaient proposés dans l'édition de la Pléiade. Le texte,  rendu à son authenticité, pouvait donc être abordé d'un oeil neuf quel  que soit le point de vue envisagé. Et c'est effectivement ce qui s'est  passé, chaque intervention apportant son lot de redécouverte depuis le  travail d'éclaircissement de textes célèbres, jusqu'au rapport considéré  entre notre auteur et notre contemporanéité, en passant par le  dévoilement d'une originalité qui a souvent déconcerté ses propres  contemporains.
 Ce livre s'ouvre donc sur différents articles dont chacun, donne une  idée des avancées de la critique sur la poétique nervalienne. Viennent  d'abord deux contributions qui selon des modes d'approche différents  permettent de reconsidérer la composition des Chimères. Jean-Luc  Steinmetz analyse l'élaboration du recueil dans le temps, entre les  «Préchimères» de 1841 jusqu'à la publication définitive à la fin des  Filles du Feu, en 1854. En 1844 et 1855, Nerval publie ce qui était  assimilable par le lecteur de son temps. Mais, J. L. Steinmetz attribue à  la publication intermédiaire dans la section «Mysticisme» de Petits  Châteaux de Bohêmeun rôle essentiel quant à l'interprétation de la  disposition des sonnets. Se suivent la mort du monde représentée par "Le  Christ aux Oliviers" en rapport avec la mort de la femme aimée dans  Daphné, puis la sagesse supérieure de "Vers dorés". Les Chimères de 1853,  ne sont qu'une extension de cette trajectoire du désespoir à la  résignation, même si le dernier mot de cette interprétation est celui  d'une «non révélation» des Chimères. Bertrand Marchal revient sur  l'«hermétisme» des Chimères en comparant le sonnet intitulé en 1841 "A  Mad Aguado" et, en 1853, "Erythrea". Nerval a pour modèle le pantoum malais  qui repose sur la logique de deux développements étrangers l'un à  l'autre. Ce modèle correspond bien à l'incohérence du sonnet nervalien  qui, contre l'Art poétique d'Horace, revendique une poétique de la  chimère «sans queue ni tête». Le syncrétisme bien connu de Nerval  explique par ailleurs les superpositions du sens et en particulier,  celui de la figure féminine centrale Lanassa puis Mahdéwa qui se  décompose en pluralité de possibles. C'est bien d'une poétique complexe  qu'il s'agit, mais qui n'a rien à voir avec la folie.