Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle

Evenements

2019-2020

Programme annuel du séminaire des doctorants

« Envers littéraires : motifs et structures » 

 

Les doctorants du CRP 19 ont choisi pour leur séminaire de l’année 2019-2020 de renverser quelque peu leurs perspectives. En effet, il s’agira au cours des différentes séances d’examiner l’envers de la littérature.

Évoquer l’envers suppose l’existence d’un endroit. L’endroit désignerait la face visible et immédiatement accessible d’un objet ; de là à considérer que c’est sa bonne face, voire sa belle face, il n’y a qu’un pas que le vocabulaire commun franchit allègrement. Accéder à envers de l’objet demande de le retourner pour voir ce qu’il cache – action en accord avec le sens étymologique du terme (du latin inversus, participe de invertere, « renverser »). S’interroger sur le sens même de ce terme, c’est se confronter à la richesse de ses usages : l’envers admet tant les acceptions les plus concrètes (l’envers d’une pièce de monnaie, d’un tissu, d’une feuille), que les plus métaphoriques (l’envers d’une situation, de l’histoire, d’une destinée). En ce qui nous concerne, il faudrait donc retourner le texte pour en inspecter les ressorts invisibles, jusqu’à en découvrir les principes internes de fonctionnement, sur un modèle quasi organique. D’aucuns diraient : faire culbuter le texte pour accéder à ses dessous. L’envers, en ce qu’il a trait aux réalités cachées, éveille la curiosité autant qu’il excite les suspicions. 

Cet imaginaire associant l’envers à une face suspecte a largement été exploité par la littérature – pensons aux lugubres « Dessous de cartes d’une partie de whist » de Barbey d’Aurevilly ou au sulfureux Pot-Bouille de Zola, qui nous dévoile les secrets malpropres d’un immeuble bourgeois, pour le plus grand plaisir du lecteur. Pourtant, Balzac avait déjà remis en cause ces sinistres connotations dans L’Envers de l’Histoire contemporaine ; tout mystère n’est pas nécessairement coupable, et le bien peut également avancer masqué. Révéler l’envers du décor est un projet esthétique, politique et moral qui parcourt le XIXe siècle. Chateaubriand écrit dans ses Mémoires d'outre-tombe : « Je vous fais voir l'envers des évènements que l'histoire ne montre pas ; l'histoire n'étale que l'endroit », tandis que se développe le genre littéraire fureteur des physiologies, et que des auteurs réalistes et naturalistes organisent les coulisses de leurs œuvres à travers des dossiers préparatoires riches d’enseignements pour le chercheur.

Plus rien de louche ici : regarder l’envers, c’est examiner tout ce qui constitue et façonne le texte pris comme un tout indissociable, ainsi que dans l’endroit et l’envers d’une tapisserie – métaphore bien connue, qui rappelle l’origine étymologique commune de tissu et de texte, et établit ce dernier comme un réseau imperceptible de fils, dont l’« entrelacs » mérite d’être considéré sous ses différentes faces (Théorie du texte, Barthes). « Rien d’amusant comme le dessous des cartes », affirment les Goncourt (Journal, tome 2) : il en va de même pour le chercheur qui, tout en suivant une démarche herméneutique, se réjouit d’observer le texte sous toutes ses coutures.

Les différentes séances de ce séminaire questionneront le potentiel scandaleux de l’envers. Cependant, l’envers ne saurait se réduire au négatif d’un motif : c’est aussi la structure sous-jacente du texte. Il peut alors se percevoir comme tout ce qui soutient intimement la part visible de l’œuvre, de ses coulisses à sa fabrique. Cela nous invite à adopter un regard non plus seulement centré sur le texte, mais sur ce qui le nourrit et l’éclaire : les sources et les manuscrits, examinés selon la méthode génétique ; les jeux d’intertextualité interrogeant les limites des genres ; ou encore la réception, qui aborde le texte en renversant la perspective focalisée sur l’auteur. De telles études, inspirées des travaux de recherche des doctorants du CRP 19, s’efforceront de montrer la fécondité de cette notion d’envers, qui nous pose avec acuité la question de l’invisible soubassement de la vie du texte.

Pour notre séance inaugurale du séminaire, nous aurons le plaisir et l’honneur de recevoir Michel Murat, professeur émérite de l’Université de Paris-Sorbonne. Son dernier essai, Le Romanesque des lettres, paru en 2018 aux éditions José Corti, interroge les frontières et les rapports entre réel et littérature, sujet auquel nos études portant sur les marges des textes, la fabrique des œuvres, les coulisses de la vie littéraire feront certainement écho. 

 

Programme

 

Mercredi 13 novembre (18h-20h)

Séance inaugurale : réflexions autour du Romanesque des lettres de Michel Murat (José Corti, 2018).

Blandine Lefèvre, Camille Stidler
Introduction générale.

Marie Frisson
La littérature nue-propriétaire. En lisant en écrivaint l'histoire littéraire : introduction au Romanesque des lettres de Michel Murat.

Michel Murat
Romans à clés. Sur le chapitre 3 du Romanesque des lettres.

Discussion de Michel Murat avec les doctorants.

Lieu : Bibliothèque de littérature générale et comparée de Paris 3 (escalier C, deuxième étage), Université Paris-Sorbonne (1, rue Victor Cousin, 75005 Paris). 

 

 

Mercredi 4 décembre (17h30-19h30)

Séance méthodologique "Par où commencer : méthodologie de la thèse". 

Séance animée par Blandine Lefèvre et Camille Stidler.

 

Lieu : Salle du Conseil, Maison de la Recherche de Paris 3 (4, rue des Irlandais, 75005 Paris).

 

 

Mercredi 15 janvier (17h30-19h30)

Séance "Représentation des violences sexuelles, de la presse à la littérature du second XIXe siècle" (Blandine Lefèvre et Lucie Nizard).

 

Salle Claude Simon - maison de la Recherche de Paris 3 (4 rue des Irlandais, 75005 Paris).

 

 

Mercredi 26 février (17h30-19h30)

Séance "« L’épaisseur d’un devenir » : études génétiques zoliennes" (Nicoletta Agresta, Hortense Delair et Nesrine Zouari).

 

Salle 410 - Censier (13 rue de Santeuil, 75005 Paris).
 

 

Mercredi 18 mars (18h-20h)

Séance "Les frontières de l'homme, de l'animalité à la divinité" (Ghada Chouchène, Misaki Nishimura et Camille Stidler).

 

Salle 410 - Censier (13 rue de Santeuil, 75005 Paris). 

 

 

Mercredi 22 avril (17h30-19h30)

Séance "Le lecteur de prose : désir et pratique d’une réception poétique" (Anton Hureaux et Zoé Monti).


Bibliothèque de littérature générale et comparée de Paris 3 (escalier C, deuxième étage), Université Paris-Sorbonne (1 rue Victor Cousin, 75005 Paris). 

 

 

Mercredi 13 mai (17h30-19h30)

Séance "La question de la théâtralité au XIXe siècle : le mélodrame dans les coulisses du roman" (Hamza Ibrahim et Éva Le Saux).

 

Salle Claude Simon - maison de la Recherche de Paris 3 (4 rue des Irlandais, 75005 Paris).