Séance du séminaire du séminaire des doctorants du CRP19, avec la participation de
Lucie Nizard et
Marie-Cécile Leblanc.
PrésentationAux XIXe et XXe siècles, les lieux intimes féminins se révèlent être à la fois des observatoires et des miroirs d’une société en pleine mutation. De la représentation de la musique, de ses pratiques, de ses exigences techniques et de ses rituels de production et d’écoute à la mise en scène d’une société en pleine métamorphose historico-idéologique, l’écriture fictionnelle permet de dévoiler les lieux communs autour de la féminité, les mécanismes d’injustice que ces lieux communs mettent en place, ainsi que leurs limites. Qu’il s’agisse de l’évolution de l’écriture colettienne des discours féminins intimes vers des discours socialement réflexifs, ou de l’observation de la scène et de la pratique musicales chez Sand, Balzac, Berlioz, Duhamel et Huston, les lieux féminins rendent compte des transformations profondes que connaissent les sociétés française et européennes au tournant du siècle. L’écriture comme lieu des lieux, devient dès lors non seulement le miroir d’un monde en transformation dans son rapport à la question des arts, de la mémoire, de l’Histoire et de l’identité, mais elle permet aussi d'estomper les frontières entre le
locus amoenuset le
locus terribilis. Transformé en lieu-dit, le texte de fiction rend ainsi compte d’une cartographie sociale mouvante, en même temps que d’une scénographie d’un monde en devenir.
Ichrak Ben Hammouda, « Lesloci terribilide la féminité : récits musicaux et stéréotypes sur le genre, de George Sand à Nancy Huston »Si la musique se définit par des lieux d’écoute conventionnels et normés (théâtres, scènes publiques, espaces privés dans le cas de la musique de chambre,
etc.), elle définit en même temps certains lieux communs non seulement autour des actes d’interprétation et d’écoute, mais aussi autour des implications sociales/sociologiques, idéologiques et politiques de ces derniers. Ainsi, voit-on dans les récits musicaux des XIXe et XXe siècles une mise en scène fortement genrée de la performance et de la réception musicales qui révèle, qu’en plus de la scénographie sociale, la musique obéit et reproduit souvent des sonographies androcentrées. De George Sand à Nancy Huston, en passant par Honoré de Balzac, Hector Berlioz et Georges Duhamel, s’opère alors un renversement des valeurs positives associées à la musique laquelle, d’un
locus amoenus, se métamorphose en un
locus terribilis martyrisant souvent les femmes. L’examen des lieux communs genrés autour des musiciennes chez Sand, Balzac, Berlioz, Duhamel et Huston permettra de voir comment la fiction romanesque devient le miroir du paysage social et historique du genre.
Sangyeon Kim, « De l’écriture intime féminine à l’écriture de réflexion sociale : Colette et la Première Guerre mondiale »Comment un écrivain peut-il opérer une transition dans son lieu d'écriture, en rompant avec celui d'avant ? Cela semble nécessiter une grande mutation au niveau de la perspective qu’il porte sur le monde extérieur. Cette communication examinera comment la Première Guerre mondiale a constitué, pour Colette, une période de transition dans son écriture. Pour Colette, la guerre marque une bifurcation à deux niveaux essentiels. D’abord, l'écriture de Colette, auparavant centrée sur des discours féminins intimes, s'étend à la dimension tragique et à la peinture sociale. Aussi, la guerre permet à Colette de renforcer sa position en tant qu'écrivaine. De mime à la Belle Époque ou femme de lettres scandaleuse, Colette a réussi de s'imposer comme journaliste et comme écrivaine reconnue. Dans le but de saisir l'influence de la guerre sur Colette, nous examinerons l'évolution de son écriture ainsi que sa réception critique. Dans ce processus, nous confirmerons que le journalisme et l'écriture romanesque s'influencent mutuellement au cours de cette période transitionnelle chez Colette.
Programme complet du séminaire.