Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle
Université Sorbonne Nouvelle : 8, av. de Saint-Mandé, 75012 Paris
CRP19, 17, rue de la Sorbonne, 75005, Paris (bureau F013)
Date : mercredi 21 octobre 2020
Horaire : 17h30-19h30h
Lieu : salle Claude Simon, Maison de la Recherche, 4, rue des Irlandais
Les frontières de l'homme, de l'animalité à la divinité
séance organisée par Ghada Chouchène, Misaki Nishimura et Camille Stidler
En raison de l'épidémie de coronavirus, la séance est reportée à la fin de l'année. Plus d'informations seront données prochainement.
Dans le cadre du thème choisi cette année par les doctorants du CRP 19 pour présenter leurs travaux, « Envers littéraires : motifs et structures », cette séance mettra au cœur de ses interrogations la question de l’Homme ; comment le XIXe siècle renouvelle-t-il l’épineuse question de la définition de ce qui constitue l’humanité ? De nombreux champs scientifiques bénéficient de développements remarquables depuis la fin du XVIIIe siècle ; les avancées dans la connaissance du monde biologique et zoologique, comme celles qui touchent le domaine médical, élargissent la conception de l’homme et en bouleversent ses représentations. Alors que le progrès technique et scientifique porte la promesse d’un homme débarrassé de ses maux et de ses infirmités, dessinant les contours d’un homme au potentiel physique illimité, l’irruption des théories évolutionnistes le rapproche d’un monde animal encore méconnu, parfois méprisé, le plus souvent inquiétant. Ces bouleversements épistémologiques travaillent en profondeur la création littéraire, qui se fait l’écho des espoirs mais aussi des angoisses provoqués par ces découvertes. Pour aborder ces sujets, nous nous attacherons à examiner les notions de frontières, de limites et de normes, autour de plusieurs axes qui pourront se recouper : normal et pathologique, animalité et humanité, matérialité et spiritualité, dans des corpus couvrant différents moments du XIXe siècle, explorant tant la bestialité de l’homme que ses élans vers le divin.
Misaki JITTANI-NISHIMURA
"Le fou sublime dans l’œuvre de Charles Nodier : une figure élevée qui tend vers le monde inconnu."
Les personnages fous dans la littérature de la première moitié du XIXe siècle ne sont pas des malades comme la critique l’affirme depuis longtemps, car « la stupidité de fous devant les choses de la terre » signifie le fait qu’« ils ont l’esprit orienté vers des connaissances plus sublimes » et qu’ils sont « sage[s] » et « clairvoyant[s] » (A. Viatte (1928), G. Gusdorf (1985), P. Bénichou (1992)). Pourtant, dans les recherches récentes, on s’intéresse plutôt au côté pathologique des personnages fous et à une adéquation entre le discours littéraire et le discours médical. Charles Nodier (1780-1844), qui décrit plusieurs héros fous tout au long de sa carrière, est l’un des pionniers parmi ses contemporains qui valorisent la folie et en même temps qui se donnent pour tâche de tenir compte des symptômes morbides rapportés dans les textes médicaux afin de décrire ses protagonistes fous. L’intérêt central de Nodier réside dans le fait qu’il éloigne la folie de ses héros de la véritable folie pathologique et qu’il rende celle-ci poétique et littéraire en montrant sa cause comme une aspiration vers le monde inconnu. En filigrane de cette entreprise, on pourrait retrouver une attitude de la pensée de l’auteur qui valorise les éléments mystérieux et spirituels au lieu des éléments matériels, sur lesquels les médecins s’appuient lors de leur observation. À travers une telle réflexion, on pourrait faire émerger une sorte d’esthétique littéraire de Nodier.
Ghada CHOUCHÈNE
"La fragilité des frontières homme-animal dans Le Docteur Héraclius Gloss de Guy de Maupassant."
La littérature française a été révolutionnée durant la seconde moitié du XIXe siècle par l’avènement de la théorie darwinienne. Fasciné par les découvertes de son temps, Maupassant a souligné à son tour la parenté frappante entre l’homme et les bêtes. Sous sa plume, la frontière entre les deux espèces s’amenuise. Dans sa nouvelle Le Docteur Héraclius Gloss, il expose les failles de la métempsycose et destitue le savant spéculatif de son trône. En critiquant le pythagorisme, cet écrivain soulève plusieurs questions métaphysiques à savoir : les frontières homme-animal, le rapport de l’homme à la nature, le statut animal … Il brise la barrière anthropozoologique en humanisant l’animal et en animalisant l’homme et tire notre attention sur le piège de l’anthropocentrisme. Cet écrivain finira par prouver que la métempsycose s’intéresse moins à l’animal et à la genèse de ses facultés à partir de ses pensées et de ses sensations, qu’aux existences antérieures de l’homme. Nous remettrons alors en cause le dualisme de l’instinct et de la raison afin de prouver qu’instinct et raison ne sont chez Maupassant que deux expressions qui vont dans la même direction.
Camille STIDLER
"« Les bêtes, ça se porte mieux que les gens. » (La Faute de l’abbé Mouret) Être en bonne santé dans un monde corrompu ? Quelques réflexions sur un cas limite : le personnage de Désirée."
Peu de personnages sont explicitement désignés comme sains dans les Rougon-Macquart, dont on retient plutôt les membres dégénérés. Pourtant, les personnages représentant une santé positive ne sont pas complètement absents de l’œuvre d’Émile Zola, et on s’attachera pour cette communication à l’un d’entre eux en particulier : Désirée, la sœur de l’abbé Mouret. Elle possède les qualités physiques attendues de la santé, affichant force et robustesse, dans une mesure toutefois peu commune pour une jeune fille, ce qui la rend d’emblée suspecte. Elle représente par ailleurs un type connu : la simple d’esprit, vivant dans une insouciance joyeuse, mais qui ne le prive pas d’une grande raison pratique, interrogeant ainsi la définition même de la santé et son rapport aux normes. Toutefois, ce qui attire l’attention, c’est sa grande proximité avec les animaux, qui participe pleinement de sa force vitale. On se demandera quelle signification accorder à cette proximité avec un monde primitif vivant, fécond, mais aussi inquiétant par la brutalité qu’il peut porter.
Du fait du nombre de places limitées, la réservation est obligatoire auprès de blandine.lefevre@sorbonne-nouvelle.fr ou camillestidler@yahoo.fr.