Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle
Université Sorbonne Nouvelle : 8, av. de Saint-Mandé, 75012 Paris
CRP19, 17, rue de la Sorbonne, 75005, Paris (bureau F013)
Cette thèse se propose de définir et d’étudier les rires paradoxaux qui résonnent dans les œuvres d’Isidore Ducasse et de Tristan Corbière. À la charnière des années 1860-1870, marginaux et indifférents aux préoccupations du Parnasse dont ils moquent les valeurs, ces deux poètes incarnent en effet des pratiques dissidentes et singulières. Les Chants de Maldoror de Lautréamont (1869) et Les Amours jaunes de Tristan Corbière (1873) font émerger un rire nouveau et ambigu qui promeut un risible monstrueux capable de conjuguer le rire et les larmes, le comique et le lyrique, en s’érigeant en quête métaphysique tout autant qu’en principe poétique. La figure du monstre incarne cette poétique du difforme, tant sur le plan formel que sur le plan thématique. Étudier la façon dont les rires anomaux de Ducasse et de Corbière contribuent à fonder une poétique de la monstruosité, humaine comme artistique, c’est aussi mettre en valeur l’émergence d’une poésie modeste. Si les poètes, héritiers du « comique absolu » baudelairien, revendiquent le côté factice et effrayant de la création artistique débridée, ils s’affranchissent cependant de la notion de « surnaturalisme » chère au dandy : il n’est plus désormais question d’un quelconque idéal à atteindre par l’art, celui-ci ne peut et ne doit plutôt qu’être « modeste » et se contenter de se montrer « tel qu’il est », comme l’écrit Ducasse dans Les Chants. La thèse montrera qu’une fois la mimesis et le divin écartés par le recours à un rire monstrueux, la poésie s’adapte à des enjeux plus humains.