Marion Glaumaud-Carbonnier
Penser et écrire le divorce. 1870-1905, sous la direction d'Alain Pagès. Thèse soutenue le 11 janvier 2017.
Le divorce comme objet d’étude littéraire, la proposition peut surprendre. La répartition distributive des champs et des domaines de pensée exigerait que l’on en fasse, au choix, le sujet d'une réflexion historique, politique, juridique, sociale ou morale. De littérature, il n’est en revanche point question. Nous soutenons au contraire que le divorce est un outil d’analyse fondamental pour comprendre le fait intellectuel, littéraire et narratif des débuts de la IIIe République. En 1884, la réhabilitation du divorce dans la législation française est l’œuvre d’une combinatoire inédite entre politique et littérature. C’est de cette friction féconde entre art politique et art du récit que naît une conscience citoyenne assortie d’un nouveau mode de narration. Le père politique du divorce, Alfred Naquet, comprend que pour convaincre les commettants de la République de l’utilité du divorce, il fautraconter le mariage, la famille et le divorce. Il codifie alors les formes d’un récit participatif original, un vaste « roman républicain » à la narration journalière, imprimé ou conté lors de conférences en province. Une fois rétablie, la loi du divorce éprouve cependant rudement les coutumes narratives françaises : en réduisant le champ du romanesque, en brisant l’autorité du récit d’adultère, en faisant du papier timbré un laissez-passer aisé à la prison conjugale, le divorce force le roman à repenser ses formes et à clarifier ses rapports à la République. Le roman monarchique et impérialiste meurt des suites du rétablissement du divorce ; le siècle de l’individu commence et le roman, en crise, cherche une nouvelle législation.