Hélène Charchare
Proust et Platon: convergeances linguistiques, érotiques et philosophiques, sous la direction de Mireille Naturel. Thèse soutenue le 27 janvier 2017.
La thèse intitulée Proust et Platon se fonde principalement sur les affinités qui unissent les deux génies. Bien qu’il y ait un écart temporel considérable entre eux, on essaie d’élaborer un rapprochement à trois temps. Une première partie est consacrée à l’étymologie et la philosophie du langage, à savoir à l’effort de Proust et de Platon afin d’établir la rectitude du nom par rapport à la chose qu’il représente. Dans un tout premier temps, on met pour lors le langage à l’épicentre de notre analyse, en s’efforçant de localiser les différentes tendances –cratylisme, hermogénisme, naturalisme, conventionnalisme– dans un dialogue capital : le Cratyle. En deuxième lieu, c’est l’étymologie qui ranime toute cette effervescence linguistique, en représentant un sujet pivotal chez Proust et chez Platon : elle questionne l’emploi des mots et des noms, ainsi que leur relevance avec la chose qu’ils représentent. L’autre grande théorie linguistique proposée est l’hermogénisme, dû à la théorie d’Hermogène chez Cratyle. Il prétend mettre en avant la thèse centrale du disciple de Socrate qui soutient que les noms sont justes en fonction d’une convention entre les interlocuteurs qui les utilisent. Dans un deuxième temps, c’est l’amour dans toutes ses manifestations qui prend le relais. Il est question de l’œuvre la plus délectable de Platon, le Banquet. On va commencer en mettant en avant le propre rôle du banquet en tant qu’institution dans l’antiquité. Là on trouve sans aucun doute le champ le plus fécond afin de parler d’éros adolescent, de l’androgyne, mais aussi d’á¼€γάπη. Mais le Banquet a aussi son côté aristophanesque : en attribuant au grand comédien l’articulation de son mythe le plus célèbre, Platon a voulu peut-être mettre en lumière le côté le plus parodique de l’éros. Toutefois, ce mythe paradisiaque déclenche aussi l’examen de bien des thèmes qui concerne l’homosexualité en Grèce d’antan. La partie proustienne sur l’amour se consacre dans un premier temps à l’importance du banquet mondain, lieu d’apprentissage social, érotique et artistique pour le narrateur. Ensuite, il repose sur les différentes manifestations de l’á¼’ρως et de l’á¼€γάπη dans la Recherche : amitié, inversion, procréation artistique. La dernière étape de la deuxième partie est vouée à la mort et l’au-delà dans l’antiquité grecque et les trois narrations de descentes à l’enfer dans le corpus platonique. On va constater que la mort constitue au même titre que l’amour le leitmotiv incontournable de la Recherche également. Pour la partie finale, on a choisi un titre sans doute déconcertant : ΔεÏτερος πλοῦς, seconde navigation. Par là, on voudrait souligner l’effort de Platon et de Proust d’atteindre les vérités les plus inabordables en empruntant des sentiers iconoclastes : pour Platon, il s’agirait de la réminiscence, de l’esthétique idéale et du mythe, tandis que la section proustienne est axée sur le temps et la mémoire, l’esthétique et les diverses techniques narratives de la Recherche. On espère qu’à la fin de cette recherche les reflets contigus mis en évidence dans les œuvres de Platon et de Proust se seraient convertis en éclats miroitants.
Publications
« L’hermogénisme proustien », Bulletin Marcel Proust, 2019, N° 69.
« Mort et au-delà chez Proust », Bulletin Marcel Proust, 2017, N° 67, p. 95-111.