Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle

  •  Université Sorbonne Nouvelle : 8, av. de Saint-Mandé, 75012 Paris
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Doctorants

  • Titre de la Thèse: Germaine de Staël et le pouvoir de la lecture romanesque

Adrien Peuple

Germaine de Staël et le pouvoir de la lecture romanesque, sous la direction d'Aurélie Foglia. 

Une idée forte traverse la pensée théorique de Staël à propos de la lecture romanesque, celle d’un pouvoir émotionnel apte à transformer moralement le lecteur. Cet idéal poétique est énoncé dès son premier essai, les Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau : « la véritable utilité d’un roman est dans son effet bien plus que dans son plan, dans les sentiments qu’il inspire, bien plus que dans les événements qu’il raconte. » Véritable profession de foi d’un art poétique de la réception romanesque, Staël récuse ici l’excellence de la forme romanesque au profit des sentiments que ses œuvres doivent inspirer au lecteur. Ce leitmotiv, reformulé dans son Essai sur les fictionsou dans De la littérature, pose les bases d’une esthétique morale du roman, qui substitue aux critères traditionnels de jugement, conformité morale de l’œuvre au nom de la « vraisemblance » classique, la notion d’effet moral produit sur le lecteur. L’accent se place à présent du côté de la réception ; Staël vise un « effet de la lecture ».
Ce primat de la réception apparaît, dans la recherche littéraire actuelle, comme un nouvel angle d’approche du roman et de la fiction. Les travaux américains de Wayne Booth et de Martha Nussbaum émettent l’hypothèse de la valeur éthique de la réception romanesque. Ce tournant éthique a donné lieu, dans la recherche française, à un versant pragmatique de la réception littéraire, dont les essais de Jacques Rancière ou de Marielle Macé, entre autres, révèlent une politique et une éthique de la lecture.
La démarche de cette thèse serait d’interroger et d’analyser ce phénomène « d’effet de la lecture romanesque » dans la poétique staëlienne à l’aune des recherches actuelles sur le pouvoir de la lecture. L’objectif est de mobiliser certaines perspectives actuelles pour les mettre en comparaison avec la théorie de Staël, et à travers ce dialogue anachronique, de révéler la spécificité de la démarche staëlienne. Bien évidemment, le pouvoir salvateur de la lecture provient aussi d’un idéal éthique de la philosophie des Lumières. De Diderot à Laclos, en passant par Rousseau, tous soutiennent le bénéfice moral de la lecture romanesque à évertuer le lecteur. Ce bénéfice moral devient cependant une spécificité de la poétique du récit staëlien. Face aux déchirements de la société française sous la Révolution française, le roman s’impose comme le genre littéraire le plus apte à ressouder le lien social. Faire du roman un matériau éthique et esthétique dans sa mission réparatrice revient parallèlement à lui donner ses lettres de noblesse dans la littérature.
Cette démarche éthique a été esquissée par Henri Coulet, pour qui le roman staëlien, à travers sa fonction philosophique, vise à « former l’opinion sociale ». Plus récemment, Catherine Dubeau a suggéré que la lecture du roman, pour Staël, devient une expérience introspective, voire narcissique, où le lecteur découvre ses failles intérieures. Dès lors, « l’effet littéraire » de la fiction romanesque serait « inséparable d’un regard sur soi ». Cet « effet littéraire » de la lecture romanesque oscille donc entre expérience politique et expérience introspective. C’est cette tension mise à l’œuvre dans le pouvoir de la lecture que nous étudierons dans le récit staëlien, et qui relève de l’équation romanesque suivante : fiction touchante, fiction pensante. Jean-Louis Cabanès a démontré récemment, dans son essai La fabrique des valeurs dans la littérature du XIXe siècle, la valeur « pensive » du récit réaliste et naturaliste à interroger les valeurs éthiques promues notamment par Balzac et Zola. Nous nous inscrivons ainsi dans cette démarche poétique et pragmatique de la lecture du roman à « pénétrer dans la fabrique d’une axiologie en fonction de ce postulat : l’impact esthétique des écrits littéraires est indissociable de leur capacité à rendre leurs lecteurs pensifs. » Car, à l’aube du XIXe siècle, la fiction staëlienne, bien avant le courant réaliste, promeut, dans son idéalisme romanesque, la valeur pensive de la fiction romanesque.
 

Publications

 Publications

- « Staël – Éthique et esthétique de la lecture », Cahiers staëliens, n° 74, 2025

- « Le personnage de Patience dans Mauprat. Figure écologique et quête d’un récit écopoétique », Cahiers George Sand, n° 46, 2024

- « Mauprat de George Sand : un conte écologique ? Pour une lecture écopoétique du chapitre IV », RELIEF, vol. 18 n° 1, 2024

- « Germaine de Staël, une philosophie du soin ? », Cahiers staëliens, n° 73, 2024

Communications

- « Delphine de Germaine de Staël. La Lettre comme forme insulaire de l’écriture épistolaire : dialectique de la solitude et de la communauté », Journée d’études « Les lectures du CRP 19 », organisée par Inji Hwang et Adrien Peuple, 21 septembre 2024

- « Mauprat de George Sand, un conte écologique ? Pour une lecture écopoétique du chapitre IV », Journée d’étude « Dire/écrire le vivant -Renouveler l’enseignement par les humanités environnementales », organisée par Morgane Leray, 26 mai 2023

Organisation de journées d’étude

- Septembre 2024 : co-organisation avec Inji Hwang (CRP 19, Sorbonne Nouvelle) de la Journée d’étude des doctorant-e-s du CPR 19 – Dixième édition « Delphine de Germaine de Staël », université Sorbonne Nouvelle (21 septembre 2024)