Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle

Evenements

17h Maison de la Recherche, salle Claude Simon, rue des Irlandais Paris
20
avril 2022

Littérature et politique : les écrivains face à l'histoire des nations

Ilaria Giacometti, « "Nous croyons que Dieu a ses desseins sur les peuples"  : Barbey d’Aurevilly et le Risorgimento italien »

Dans son œuvre critique, Barbey s’intéresse à plusieurs reprises à la question du Risorgimento italien, notamment en ce qui concerne les rapports conflictuels entre l'État en voie de formation et l’État pontifical. Il aborde ce sujet dans des revues bibliographiques dans les années 1840 et 1850, avant la naissance du Royaume d’Italie en 1861, et il y revient dans les années 1870 et 1880, après l’unification italienne et la résolution de la question romaine. Conçus à partir d’ouvrages à recenser ou de circonstances ponctuelles, tous les textes de Barbey touchant à la question italienne s’inscrivent à la fois dans l’actualité et dans une réflexion de grande envergure sur l’Histoire : le cas italien ne représente pour lui qu’un exemple de l’affrontement entre les tendances du siècle – « l’heure menaçante et solennelle » qui « sonne au XIXe siècle » – et le pouvoir universel de l’Église catholique qui se voit menacé. C’est cette dynamique entre actualité politique et Histoire que nous nous proposons d’interroger dans notre intervention.
 
Marie Portier, « Contre-histoire et provocation dans Là-bas, En route et Sainte Lydwine de Schiedam »
L'auteur d'A rebours, loin de vivre hors du monde, a toujours prêté une oreille attentive au discours social, mais il s'est toujours méfié de l'enthousiasme politique. A la fin des années 1880, comme on acclame le général Boulanger, Huysmans se positionne logiquement contre le nationalisme. Cette réaction se traduit dans le romanLà-bas (1891). Il y raconte une histoire de France alternative : la petite histoire (celle de Gilles de Rais) fait mentir la grande (celle de Jeanne d'Arc) et va ainsi à l'encontre de la légende nationale. Ce faisant, Huysmans s'inscrit aussi dans une lignée d'auteurs originaux tracée par lui dans le Carnet vert. Selon l'auteur de Certains, une étude de ces minores qui ne dirait rien des grands classiques ébranlerait les catégories et les filiations des histoires littéraires patriotiques. Au même moment, la future École romane s'efforce au contraire d'épurer l'histoire de la poésie française, rejetant comme barbares beaucoup d'auteurs modernes. On comprend que, dans ce contexte, les prises de parole ultraréactionnaires de Là-bas et d'En route (1895), tantôt cosmopolites et tantôt antirépublicaines, sont avant tout des revendications de liberté esthétique face aux prescriptions du nationalisme littéraire. Plus tard, dans l'hagiographie Sainte Lydwine de Schiedam (1901), une grande partie de ces principes antinationalistes semblent abandonnés. Huysmans cherche alors à marquer son désaccord avec d'autres doctrines et n'hésite pas pour cela à nationaliser des héroïnes médiévales.
 
Les communications seront suivies d'une discussion avec Éléonore Reverzyet Blaise Wilfert.